Istanbul airport, 31st January
I’m standing in a queue at passport control. It’s hot, and I’m sweating under my thick puffer jacket, but I’m too tired to take it off and hold it. I’m watching as the light above the window at the front of the line switches from green to red to green again, and the tired and perpetually annoyed officer flicking through the pages of someone’s passport.
I know this all so well: the uniform of the officers, their tone, the jingle of the airport announcements and the exasperated voice of a mother behind me telling her kids off for running around. All of this is home. Well it used to be, before I moved abroad many years ago and before the country that issued my passport invaded its neighbour. I hadn’t been back since.
I’m in a taxi, the Kyrgyz driver unlocks his smartphone. The female voice from the navigator says “your journey will take 1 hour and 45 minutes”. I had forgotten the immensity of this city.
He turns on the radio and new Russian pop music fills the car. I don’t know a single song. I don’t recognise the new voices. In the breaks between music, the radio host reads the latest news: the weather will get colder, a warehouse burned down in St Petersburg, a new metro station will open in the south of the city… No mention of the war that’s been going on for almost two years.
But as soon as I look out of the window, I’m reminded that here it has a different name. We pass billboards with soldiers saying “join your army! Join the Special Military Operation”, “our job is to protect our motherland!”. Now and then I see another kind of poster: “Presidential elections 2024, vote for Putin!”.
Outside, there’s a crazy snowstorm, the kind that my grandma last saw when she was a girl, she says. I walk along a grey khruschevka, one of those block-like concrete buildings from the 60s, trying to bury my face in my scarf. I think about how quickly I’ve gotten unused to this weather. I see the neon sign of a small supermarket. It takes all of my strength to pull the door open against the ferocious wind, but in the end, I manage.
There’s at least a 25-degree difference in temperature, the feeling you can only get in a country where nobody worries about how much gas they’ve used the past month. It’s empty. I pick up a “sirok”, a little sweet cheese bar coated in chocolate, and go to pay.
The card terminal looks different: in the corner of a colourful screen, I see a small camera. I remember seeing an ad in the metro: enable biometric payment and receive extra cashback on all your purchases. I realise this camera is for those who might want to pay for their groceries with their face. I shiver inside.
It was one of the things that stood out to me this time. There are cameras everywhere: at payment terminals, at the turnstiles when you enter the metro, in elevators. The feeling of being watched, an Orwellian, creeping feeling of eyes staring at the back of my neck, would only leave me when I boarded the plane back to Europe.
But the thing that shocks me most is not the billboards or the cameras. It’s the things that haven’t changed. People have gotten used to the war. In the metro, I watch people next to me turn on their VPN and open Instagram, an operation they now perform dozens of times per day. In shopping malls, Zara and McDonald’s now have different names but sell the same-looking, similar-tasting things. In the airport, people talk about the stopovers they take to get to Europe as if they’re talking about switching from car to metro on a day with bad traffic.
When I tell a friend how baffled I am that nobody seems to acknowledge that there’s a war going on, she tells me: “but what do you want people to do? Those who couldn’t leave don’t have a choice. They have to keep living in this new reality, they had to adapt, otherwise they’ll lose their minds”.
Moscow used to be a city I’d fall in love with every time I came back. The city that held a very special place in my heart because of how many “firsts” it harbours for me: first party, first cigarette, first date. But this time it was different. As I walked out of the passport control cubicle and headed towards the gate to fly home, the little pebble in my stomach was not made of nostalgia, as it used to be, but of bitterness and disappointment. As my plane took off, I breathed a sigh of relief: I was going home.
12 years ago, Masha left Russia to study and then to work and live in various European countries. She shares her impressions with us, from her ten-day trip to Moscow, where she hadn’t set foot since the invasion of Ukraine.
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Aéroport d’Istanbul, le 31 janvier
Je fais la queue au guichet de la police aux frontières. Il fait chaud et je transpire sous mon épaisse veste, mais je suis trop crevée pour l’enlever et la porter à la main. Je fixe la lumière au-dessus du guichet qui passe du vert au rouge au vert, et l’agent derrière la vitre – toujours fatigué et agacé – qui fait défiler les pages d’un passeport entre ses doigts.
Je ne connais tout ça que trop bien : les uniformes des agents, leur ton, le jingle des annonces de l’aéroport et la façon dont l’une des femmes derrière moi gronde ses enfants qui courent partout. Tout ça, c’est la maison. Ou plutôt, ça l’était avant que je parte à l’étranger, il y a des années, et avant que le pays qui m’a donné mon passeport envahisse son voisin. Je n’y étais pas retournée depuis.
Je suis dans le taxi, le chauffeur, un Kyrgyz, déverrouille son téléphone. La voix féminine du GPS annonce “votre temps de trajet est estimé à 1h45”. J‘avais oublié l’immensité de cette ville.
Il allume la radio, de la pop russe dernier cri remplit l’habitacle. Je ne connais pas un seul morceau. Je ne reconnais pas ces nouvelles voix. Entre deux chansons, l’animateur lit les dernières nouvelles : la météo va se refroidir, un entrepôt a brûlé à Saint-Pétersbourg, une nouvelle station de métro va ouvrir dans le sud de la ville… Aucune allusion à la guerre qui fait rage depuis bientôt deux ans.
Un coup d’œil par la fenêtre suffit pour me rappeler qu’ici on utilise d’autres termes. Nous passons devant des panneaux publicitaires avec des photos de soldats disant “Rejoignez votre armée ! Rejoignez l’Opération militaire spéciale !”, “Notre travail est de protéger notre mère patrie !” De temps en temps, mes yeux tombent sur un autre poster : “Élections présidentielles 2024, votez Poutine !”
Dehors c’est la tempête de neige, d’une intensité que ma grand-mère n’avait pas vue depuis qu’elle était petite, dit-elle. Je marche le long d’un khruschevka gris, un type d’ensemble de bâtiments en béton des années 1960, en tentant d’enfoncer la tête dans mon écharpe. Je songe à la rapidité avec laquelle je me suis déshabituée à ce climat. J’aperçois le néon d’une supérette. Je rassemble toutes mes forces pour pousser la porte d’entrée malgré le vent féroce et parviens à l’ouvrir.
Il y a au moins 25 degrés de différence avec l’extérieur, une sensation qu’on ne peut connaître que dans un pays où personne ne se soucie de la quantité de gaz consommée dans le mois. Le magasin est désert. J’attrape un sirok, une barre de fromage sucré enrobé de chocolat et vais payer.
Le terminal bancaire est différent : dans l’angle d’un écran coloré, je remarque une petite caméra. Je me souviens d’une pub dans le métro : “Acceptez le paiement biométrique et recevez de l’argent en plus pour tous vos achats.” Je comprends que cette caméra est là pour celles et ceux qui voudraient payer avec leur visage. Je frissonne.
C’est l’une des choses qui m’a frappée durant ce séjour. Les caméras sont partout : sur les terminaux bancaires, aux portillons à l’entrée du métro, dans les ascenseurs. Ce sentiment d’être constamment épié·e·s, cette impression orwellienne terrifiante qu’un regard est fixé sur ma nuque, ne s’envolera qu’une fois que j’embarquerai à bord d’un avion pour l’Europe.
Mais ce qui me choque le plus, ce ne sont pas les affiches ou les caméras, ce sont les choses qui n’ont pas changé. Les gens sont habitués à la guerre. Dans le métro, je regarde les usager·e·s activer leur VPN et ouvrir Instagram, une opération qu’iels répéteront des dizaines de fois par jour. Dans les malls, Zara et McDonald’s portent des noms différents, mais vendent des produits similaires en apparence et en saveur. À l’aéroport, mes compatriotes parlent des escales qu’iels doivent faire pour se rendre en Europe comme on parlerait du moment où on passe de la voiture au métro un jour de grands bouchons.
Quand je fais part de ma perplexité à une amie quant au fait que personne ne semble se rendre compte qu’une guerre se déroule en ce moment même, elle réplique : “Mais que veux-tu que les gens fassent ? Celles et ceux qui n’ont pas pu partir n’ont pas le choix. Iels doivent continuer à vivre dans cette nouvelle réalité, iels ont dû s’adapter pour ne pas perdre la tête.”
Moscou était la ville dont je tombais amoureuse à chaque fois que j’y retournais. La ville qui avait une place spéciale dans mon cœur grâce à toutes les “premières” qu’elle renferme : première fête, première cigarette, premier rendez-vous. Mais cette fois, c’est différent. Alors que je m’éloigne de la zone de contrôle des passeports et avance vers la porte d’embarquement, le pincement habituel dans mon estomac n’est pas causé par la nostalgie, mais par de l’amertume et de la déception. Quand l’avion décolle, je lâche un soupir de soulagement : je rentre à la maison.
Il y a 12 ans, Masha a quitté la Russie, pour aller étudier puis travailler et vivre dans différents pays européens. Elle partage avec nous ses impressions au retour d’un voyage de dix jours à Moscou, où elle n’avait pas remis les pieds depuis l’invasion de l’Ukraine.
Ce témoignage a d’abord été publié dans notre newsletter In Vivo. Pour recevoir d’autres histoires similaires assorties de recommandations culturelles toutes les deux semaines, abonnez-vous gratuitement à notre newsletter.
Aeroporto di Istanbul, 31 gennaio
Sono in coda al controllo passaporti. Fa caldo e sto sudando sotto il piumino, ma sono troppo stanca per toglierlo e tenerlo in braccio. Guardo la luce sopra lo sportello della prima fila: passa dal verde al rosso, poi di nuovo al verde, mentre un agente stanco e perennemente scazzato sfoglia le pagine del passaporto di turno.
Conosco bene tutto ciò: l’uniforme dellɜ agenti, il loro tono, il suono degli annunci dell’aeroporto e i rimproveri di una donna dietro di me verso i figli, che scorrazzano senza sosta. Tutto questo è casa. O meglio, lo era prima che anni fa mi trasferissi all’estero e prima che il Paese che aveva rilasciato il mio passaporto invadesse il suo vicino. Da quel giorno non ero più tornata.
Sono in taxi, l’autista kirghiso accende la radio e sblocca il suo smartphone. La voce femminile del navigatore dice “arrivo previsto tra 1 ora e 45 minuti”. Mi ero dimenticata dell’immensità di questa città.
La nuova musica pop russa riempie l’auto. Non conosco nessuna canzone. Queste voci mi sono nuove. Tra un brano e l’altro, il conduttore della radio legge le ultime notizie: nei prossimi giorni aumenterà il freddo, un magazzino è bruciato a San Pietroburgo, una nuova stazione della metropolitana aprirà nella parte sud della città… Nessun accenno alla guerra che è in corso da quasi due anni.
Appena butto l’occhio fuori dal finestrino, mi viene però in mente che qui ha un nome diverso. Passiamo davanti a dei cartelloni con i soldati che dicono “Unisciti al tuo esercito! Prendi parte all’operazione militare speciale”, “il nostro compito è proteggere la nostra madrepatria!”. Ogni tanto compare un altro tipo di manifesto: “Elezioni presidenziali 2024, vota per Putin!”.
Fuori c’è una tempesta di neve pazzesca, di quelle che mia nonna – dice – vedeva solo quando era ragazza. Cammino lungo una chruščëvka grigia, uno di quei palazzoni in cemento a blocchi degli anni ’60, cercando di nascondere il viso nella sciarpa. Penso a quanto velocemente mi sono abituata a questo clima. Vedo l’insegna al neon di un piccolo supermercato. Ci vuole tutta la mia forza per aprire la porta contro il vento feroce, ma alla fine ci riesco.
All’interno, c’è una differenza di temperatura di almeno 25 gradi, una sensazione che si prova solamente in un Paese dove nessunə si preoccupa di quanta benzina ha usato nell’ultimo mese. Il negozio è vuoto. Prendo una “sirok”, una barretta di formaggio dolce ricoperta di cioccolato, e vado a pagare con la carta.
Il POS ha un aspetto diverso: nell’angolo di uno schermo colorato vedo una piccola telecamera. Ricordo di aver visto una pubblicità in metropolitana: “abilita il pagamento biometrico e ricevi un cashback extra su tutti i tuoi acquisti”. Subito mi rendo conto che questa telecamera è destinata a coloro che potrebbero voler pagare la spesa con il proprio volto. Dentro di me, rabbrividisco.
È una delle cose che ho notato questa volta. Le telecamere sono ovunque: nei terminali di pagamento, ai tornelli quando si entra in metropolitana, negli ascensori. Questa sensazione di essere osservata, una sensazione orwelliana e strisciante di occhi che fissano la mia nuca, mi abbandonerà solo sull’aereo per l’Europa.
Ma la cosa che mi sconvolge di più non sono i cartelloni pubblicitari o le telecamere. Sono le cose che non sono cambiate. La gente si è abituata alla guerra. In metropolitana, osservo le persone accanto a me accendere la VPN e aprire Instagram, un’operazione che ormai compiono decine di volte al giorno. Nei centri commerciali, Zara e McDonald’s hanno nomi diversi ma vendono prodotti dall’aspetto e dal sapore simili. In aeroporto si parla degli scali che bisogna fare per arrivare in Europa, come se si trattasse di passare dall’auto alla metropolitana in un giorno di traffico intenso.
Quando dico a un’amica quanto sono sconcertata dal fatto che nessunə sembra riconoscere che c’è una guerra in corso, lei mi dice: “Ma cosa vuoi che faccia la gente? Quelli che non sono potuti partire non hanno scelta. Devono continuare a vivere in questa nuova realtà, devono adattarsi, altrimenti rischiano di perdere la testa”.
Mosca era la città di cui mi innamoravo a ogni mio ritorno. La città che occupava un posto speciale nel mio cuore per il numero di “prime volte” che custodiva: la prima festa, la prima sigaretta, il primo appuntamento. Questa volta, però, è diverso. Mentre esco dalla cabina del controllo passaporti e mi dirigo verso il gate per volare verso casa, percepisco un piccolo sassolino nello stomaco, fatto non di nostalgia, come un tempo, ma di amarezza e delusione. Quando il mio aereo decolla, tiro un sospiro di sollievo: ora sì che sto tornando a casa.
Dodici anni fa, Masha ha lasciato la Russia per studiare e poi lavorare in diversi Paesi europei. Condivide con noi le sue impressioni da un recente viaggio di dieci giorni a Mosca, dove non andava dall’inizio dell’invasione in Ucraina.
Questa testimonianza è stata pubblicata in origine sulla nostra newsletter In Vivo. Per ricevere ogni quindici giorni altre storie simili con consigli culturali, iscriviti alla nostra newsletter gratuita.
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